header
Accès réservé aux administrateurs du site.
Contactez l'association !
   :::::: Accueil ::::::   
     
   Actualités   
   Bibliographie   
  
Publications principales   
  
Publications diverses   
  
Thèses inspirées   
  
Entre rêve et réalité   
  
Publications posthumes   
  
Articles en texte intégral   
  
Livres disponibles   
   Médias   
  
Photos   
  
Audio   
  
Vidéo   
   Les hommages   
   L’Association   
  
Statuts   
  
Le Bureau   
  
L’assemblée Générale   
  
Adhésions   
   Forum   
   Liens   
  

Recherche :
  
Conférence à Hambourg à l’occasion de la remise du Prix Kempe
Les mécanismes psychologiques chez les auteurs de violences

Lors du congrès international de Hambourg, Stanislaw TOMKIEWICZ a reçu le prix Henry KEMPE, il a donné la conférence qui suit ...


imprimer
Introduction
Je voudrais remercier l’Association I.S.P.C.A.N. d’avoir bien voulu m’accorder l’honneur de faire ici cette conférence.



Je pense que le choix de ma personne pour l’attribution de cet honneur n’est pas da au hasard. Il est aussi symbolique que le choix de la ville de Hambourg pour tenir ce
Congrès sur les Mauvais Traitements aux Enfants. Beaucoup d’entre vous savent que la ville de Hambourg a été le théâtre d’un des épisodes les plus atroces, vous le connaissez bien : c’est l’histoire de ces enfants de Neuengamme, qu’un médecin a soumis à des traitements, à des expériences inhumaines et qui ont été pendus deux ou trois jours avant la fin de la guerre.

Si on m’a fait l’honneur de parler ici à Hambourg, ce n’est pas tellement à cause de mes mérites scientifiques, trop vantés par le Président de l’Association qui m’a précédé sur cette tribune, (mes mérites sont bien modestes et il eut été facile de trouver des personnes plus méritantes que moi), qu’à cause de mon passé j’ai été moi-même quelque peu victime du terrorisme D’État Nazi, ce n’est pas la peine d’en raconter les détails.. .

Je suis très heureux de ces choix, aussi bien de la ville de Hambourg que de ma modeste personne, parce que ces choix montrent que notre Association suit la politique souhaitée par le Docteur Kempe lui-même.

Cette politique, qui a débuté en 1982 au Congrès de Paris, signifie que notre Association ne veut pas se limiter uniquement à la recherche, à la prévention et au traitement des violences et des mauvais traitements à l’intérieur des familles, mais qu’elle désire élargir son action dans le champ immense des violences extra-familiales.

Ces violences, ces mauvais traitements et ces abus concernent plusieurs domaines auxquels je ne pourrai pas accorder ici toute l’importance que chacun d’eux mérites. Aussi je ne parlerai pas aujourd’hui du sort tragique des millions d’enfants qui souffrent de ta faim, de la malnutrition, qui meurent de maladies pourtant facilement évitables et curables, qui perdent leur enfance au travail ou dans la prostitution.

Le sort de ces enfants est directement lié à la politique mondiale, à la répartition injuste des richesses et des profits, à toutes les formes d’oppression et d’exploitation des pauvres par les riches, à l’incurie et aux maladresses des gouvernants. Ces souffrances nous appellent, nous, professionnels et citoyens, à une lutte de tous les jours avec ou contre le Pouvoir Politique du pays de chacun.

Je regrette de ne pas en parler davantage, mais en tant que professionnel, je ne voudrais pas que cette lutte politique nous fasse fuir trop loin de notre petit travail quotidien avec les enfants et les familles que nous avons en charge dans l’institution où nous travaillons.

Je parlerai davantage des violences nées du terrorisme de L’État, dont L’État Nazi a donné l’exemple le plus monstrueux et le plus terrible, mais dont il était loin d’avoir le monopole.

Je parlerai surtout de ce que je connais le mieux pour y avoir travaillé depuis bientôt quarante ans : les violences, les mauvais traitements, les abus et les négligences dans les institutions qui sont faites pour le bien des enfants, qui ont pour but d’éduquer et de soigner les enfants ordinaires et les enfants pas comme les autres.

Je vais diviser ma conférence en deux chapitres.

1 - Dans le premier, je vais rappeler très brièvement les violences commises par l’État Nazi.
2 - Dans le second, j’essaierai de tirer les leçons de ces violences sur ce que nous
voyons aujourd’hui autour de nous.

Ces déductions seront peut-être utiles en vue d’une action destinée à prévenir et à lutter contre les violences actuelles.

On sait depuis Claude Bernard que la pathologie permet souvent de mieux comprendre le fonctionnement normal de l’organisme. De même, les actes exceptionnels et monstrueux de l’État Nazi, m’ont permis de mieux comprendre ce qui se passe autour de nous, dans des pays qui se veulent civilisés, nantis de régimes, sinon démocratiques, du moins parlementaires. Ma réflexion découle également de ma qualité de psychiatre qui attache la plus grande importance aux phénomènes psychologiques. C’est pour cela qu’il me paraît intéressant de compléter la classification habituelle des violences selon leur type (par exemple : oppression ou institutionnelle) par une classification basée sur les mécanismes psychologiques et sur les présupposés idéologiques des auteurs de ces violences et de ces abus.

Je voudrais exposer et illustrer ici cette classification qui aura comme facteur discriminant ce qui se passe dans la tête des auteurs des violences.

Elle devrait permettre de définir et de cerner deux sortes de phénomènes tant parmi les violences commises par L’État Nazi que parmi celles dont nous somme témoins ici ou là aujourd’hui.

1- Les violences de l’État Nazi


On connaît des souffrances et des humiliations infligées aux victimes d’expériences médicales inhumaines, de famines sciemment organisées, de traitements cruels, physiques, psychiques, sexuels, dans les ghettos, dans les camps de concentration et finalement l’assassinat pur et simple de plusieurs millions d"enfants et d’adolescents par le gaz, les fusils, la pendaison ou la torture.

Certains ont voulu oublier, voire nier ces faits mais, étant donné que ce n’est le cas de personne dans le congrès (du moins je l’espère), je serai très bref sur les faits. Ce qui m’intéresse, c’est quelle était l’idéologie qui a permis à des êtres humains d’accomplir des choses aussi monstrueuses’ ?

Et aussi ce qui se passait dans la tête des bourreaux sous l’emprise de cette idéologie.
Je pense qu’elle était très simple.

Et c’est parce que L’État Nazi a su la faire partager activement à un nombre considérable d’exécutants, parce qu’il a pu la faire accepter par une bonne partie de l’opinion publique du pays qu’elle a pu devenir un véritable mécanisme psychologique indispensable à la fois pour exercer les pires violences et pour en apprendre l’existence sans trop de révolte.

Cette idéologie peut se résumer en deux postulats : un supplémentaire, un principal.

Le postulat supplémentaire affirmait : "Tout ce que dit L’État est bon. L’obéissance aux ordres, l’obéissance à L’État est la vertu suprême". Une fois qu’on a intégré dans son psychisme l’idée que toute révolte envers les supérieurs est intrinsèquement, fondamentalement mauvaise, une fois qu’on a intégré dans son esprit l’idée que ceux qui sont au-dessus de nous ont toujours raison et que nous, nous avons toujours tort, même si notre conscience nous dit et exige de contredire leur discours, on en arrive à accepter beaucoup de choses, et pas seulement sous L’État Nazi.

Le deuxième postulat proclamait "la nature non humaine des victimes", Les victimes, qu’elles soient Juives, Tziganes, Polonaises, Slaves, ou même simplement de race méditerranéenne, étaient considérées soit comme des sous-hommes, Unter-Menschen comme on dit en allemand, soit comme des non-hommes, Un-Menschen.

Une fois qu’on a compris qu’ils sont des sous-hommes, il devenait licite, voire normal, banal de leur faire subir n’importe quoi. Je pense ici à la déposition de l’un des médecins de Neuengamme qui a dit très sincèrement : "Pour moi, il n’y avait pas de différence entre les lapins et les enfants Juifs".

Sa bonne foi était absolue pour qu’il puisse dire une phrase pareille. Cette violence criminelle était si bien théorisée, explicitée par les dirigeants de L’État Nazi, cette différence entre les surhommes, les sous-hommes et les non-hommes était si bien entrée dans l’esprit des bourreaux qu’ils ont pu commettre leurs crimes sans aucune mauvaise conscience. *

On peut lire dans les lettres qu’ils ont écrites de prison, à leurs femmes et à leurs enfants, qu’ils ne comprenaient pas vraiment de quoi on les accusait. Ils considéraient que les accusations dont ils étaient victimes étaient seulement le fait du plus fort et qu’ils avaient été punis, non parce qu’ils avaient tort, mais parce qu’ils étaient les plus faibles, parce qu’ils avaient perdu la guerre.

Très nombreux étaient ceux qui ont compris qu’ils avaient mal agi, tellement ils étaient convaincus qu’ils avaient mal agi uniquement envers des êtres qui n’avaient pas. la qualité d’être humain.

C’était donc uniquement la peur du jugement et du châtiment des vainqueurs qui, au dernier moment, a fait que ces gens ont caché leurs crimes et, comme ici à Hambourg, ils les ont camouflés en commettant d’autres crimes.

-  Ils étaient convaincus qu’ils oeuvraient pour sauver l’espèce humaine. Ce n’est pas le lieu ici de discuter la responsabilité des scientifiques et des médecins, et pas seulement allemands, qui ont élaboré les théoriques de cette eugénique dite "négative".

Je reviendrai si vous le permettez sur ce dernier problème, parce que je n’ai pas été d’accord sur un point avec ce qu’a dit notre ami lundi).

Ce qui est important, et qui a été dit le premier jour du Congrès, c’est que la même négation de la nature humaine, n’était pas seulement appliquée à des races inférieures, mais également à des enfants qui n’étaient pas comme les autres, à des malades psychiques.

Et c’est cette même idéologie de l’inégalité foncière de la qualité humaine qui a permis l’extermination de dizaines de milliers d’enfants, d’adolescents allemands, nordiques, aryens, issus de la race des "Seigneurs" mais qui étaient déficients mentaux ou malades psychiatriques et partant incapables d’assurer la victoire de L’État Nazi.

Mais, auparavant, je voudrais m’attarder sur une forme très différente de violence que le même État Nazi a appliquée aussi à ses propres enfants, à ses propres adolescents qu’il considérait pourtant comme son trésor le plus cher. Ils étaient tous Allemands pur sang. Ils étaient tous aryens. Ils correspondaient aux critères scientifiques des bons enfants méritant pleinement la qualité d’être humain. Cependant il fallait les éduquer. " fallait les éduquer pour leur bien, pour qu’ils soient dignes de cet honneur d’être de bons aryens issus de la race des Seigneurs. Il fallait qu’ils deviennent forts, courageux. Il fallait qu’ils deviennent impitoyables aux faibles et obéissants aux puissants. Il fallait dans le meilleur cas qu’ils puissent devenir bourreaux et assassins, sans remords, sans faiblesse et sans états d’âme.

Qu’a fait l’État Nazi pour obtenir ces résultats ?

Il a organisé les Jeunesses Hitlériennes.

Or si nous étudions aujourd’hui comment étaient traités les jeunes Allemands, garçons et filles, dans les camps d’entraînement de jeunesse hitlérienne, nous constaterions et poserions le diagnostic de violence contre l’enfant, de violence contre l’adolescent.

J’ai réussi avec mes collaborateurs en France à fermer une institution pour orphelins dont le directeur professait exactement la même idéologie que les Jeunesses Hitlériennes et voulait éduquer ses petits orphelins pour qu’ils deviennent des héros de la guerre que la chrétienté va livrer à l’athéisme et à barbarie rouge.

Ainsi le régime nazi a soumis les enfants et les jeunes qu’il aimait pourtant beaucoup, et c’était pour leur bien, à un régime totalitaire, avec lavage de cerveau et endoctrinement, avec une pratique quotidienne de punitions cruelles, de sévices physiques et d’abus sexuels.

Il y a deux jours, ici même à Hambourg, on m’a montré un journal allemand qui relatait que pas loin d’Hambourg, il y avait un véritable petit camp de concentration considéré comme camp de rééducation pour de jeunes Allemands, même pas drogués mais simplement un peu délinquants, un peu voleurs, ou qui n’avaient pas assez bien compris l’idéologie nazie.

Finalement, pour en faire de bons nazis, la direction du camp en a tué à peu près un quart !
Voilà encore deux exploits de l’État Nazi qui nous semblent aujourd’hui caricaturaux, absurdes, mais qui montrent bien jusqu’ou peut aller un enfer pavé de bonnes intentions.

Le premier reste assez peu connu car il ne concerne qu’un très petit nombre d’enfants, une goutte d’eau par rapport aux millions assassinés, mais il me semble très important sur le plan théorique Un petit nombre d’enfants et d’adolescents, originaires de peuples occupés ont été enlevés à leurs parents. ls étaient privés de leur nom, privés de leur nationalité, privés de leur religion.

L’État Nazi les a placés soit dans des camps spéciaux ou le régime n’était pas plus dur que pour la Hitler-Jugend elle-même, soit dans des familles adoptives connues pour leur bonne morale nazie. Ces enfants devaient être transformés en futurs nazis d’élite (c’est exactement ce qu’a fait l’Empire Ottoman avec les enfants chrétiens pour fabriquer des Janissaires). Du point de vue de L’État Nazi, ces enfants devraient être reconnaissants à leurs bourreaux. On les a enlevés à des familles de sous-hommes, on les a sortis d’une race d’esclaves pour les faire entrer dans la race des Seigneurs. Pourtant pour notre sensibilité d’aujourd’hui, un tel procédé apparaÎt comme barbare et criminel.

Un deuxième exploit commis pour le bien des intéressés eut lieu dans ces camps ou on mettait les jolies femmes allemandes d’aspects très aryen, pour les faire féconder par des nazis purs et durs, dans le but de fabriquer au nom de la science eugénique (dite "positive"...) de bons petits nazis, de beaux petits aryens. Cette barbarie, ce viol de la personne de la femme, ces actes sexuels et ces fécondations imposées par la force et sans amour furent pourtant commis avec les meilleures intentions du monde, pour fabriquer des enfants d’élite, pour leur fournir les meilleurs chromosomes du monde, les meilleurs gènes du monde. D’ailleurs cinquante ans à peine après la défaite de L’État Nazi, l’eugénique positive avec le sperme des Prix Nobel fait sa réapparition, et nous ne sommes qu’à l’aube des ravages de l’eugénique négative.

II Terrorisme d’État
Ainsi, l’État Nazi nous a montré deux formes monstrueusement exagérées des violences envers les enfants et les adolescents.
Une plus connue, était motivée par une négation du caractère humain de la victime et avait pour but explicite sa destruction physique et psychique. L’autre, tout aussi horrible à mon avis, ou presque, avait pour but le bien de l’intéressé.

Depuis quarante ans que je travaille dans les institutions, je pense de plus en plus que ces deux sortes de violences continuent et perdurent dans le monde actuel, certes d’une manière plus discrète, plus feutrée que sous l’État Nazi.

je crois que le terrorisme d’État, les mauvais traitements institutionnels, et même les abus intra-familiaux peuvent être mieux compris, mieux prévenus et mieux combattus si nous comprenons bien la psychologie et l’idéologie de ceux qui les commettent
Quelques exemples vont illustrer ma thèse et montrer une certaine pertinence de cette classification "psychologique".

Je serai bref sur le terrorisme d’État. Tout le monde connaît les fusillades, les emprisonnements, les condamnations à mort, les razzias, les traitements cruels et les tortures qui ont lieu quotidiennement dans tel ou tel pays d’Amérique Latine, d’Asie ou d’Afrique. En cherchant bien, on en trouverait même en Europe.

Ici, on peut, en toute bonne conscience, tuer les enfants parce qu’ils sont indiens, parce qu’ils n’ont pas la même couleur de peau, là on peut les tuer parce que leurs parents n’ont pas les mêmes convictions politiques. Partout où on les massacre ainsi, on les considère comme des lapins, on ne les pense pas faits de la même argile, de la même terre que les bourreaux.

Dans ces actions d’extermination et ces violences D’État, ceux qui les ordonnent ou qui les font exécuter par leurs sbires et par leurs bourreaux, sont des gens plus riches, mieux éduqués, qui possèdent moins d’enfants et qui considèrent que la vie de ceux qui sont plus pauvres, moins éduqués, parfois un peu noirs de peau, ou avec les yeux un peu obliques et qui font beaucoup d’enfants, ne vaut pas la leur.

Ainsi la vie d’un enfant indien ne vaut pas la vie d’un colon brésilien. La vie d’un enfant noir ne vaut pas celle d’un petit Français ou Anglais, la vie d’un enfant palestinien ne vaut pas la vie d’un enfant israélien. Ainsi presque toujours le terrorisme d’État a comme base psychologique le fait de ne pas attribuer la même qualité humaine, de ne pas accorder la même valeur à la vie des pauvres, des ignorants*.Cependant il arrive que le terrorisme d’État utilise également, la terreur et la cruauté pour le bien de l’enfant.

Un exemple dont on a parlé dans ce Congrès et qui est devenu mondialement connu, grâce à l’action héroïque des grands-mères de la Place de Mai à Buenos Aires, c’était le rapt des enfants commis en Argentine sous la dictature militaire. Les parents, opposants politiques, étaient exécutés et les enfants, parfois des nourrissons, étaient privés de nom, privés de leur famille et adoptés légalement par les assassins de leurs parents.

Et bien pour nous, pour moi en tout cas, un tel acte parait monstrueux, mais il était commis manifestement pour sauver les âmes de ces enfants. (Quand on a interviewé ces officiers tortionnaires qui ont adopté les orphelins de leurs propres victimes, ils ne comprenaient pas pourquoi les grands-mères voulaient récupérer ces enfants qu’ils considéraient comme les leurs. Il s’est trouvé un psychanalyste pour dire

*ce type de violence politique commise par les puissants envers les faibles est le plus fréquent et à mon avis le plus odieux. Mais je n’ignore pas les violences et les cruautés politiques commises ici ou la par les opprimés eux-mêmes ou au nom de ces opprimés et de ces pauvres. Là aussi le crime est possible car le bourreau n’accorde pas à sa victime la même qualité d’homme qu’à lui-même ; cette victime ou son enfant n’est pour lui qu’un suppôt de Satan, un traître à son pays, une survivance d’un ordre révolu, etc.

Jill que c’étaient des grands-mères abusives, qu’elles feraient mieux de tricoter des vêtements que de détruire des familles nouvellement créées par ces bourreaux qui aimaient leurs enfants...).

Et c’est vrai que ces bourreaux aimaient ces enfants, les enfants de gens qu’ils avaient tués et qu’ils les ont enlevés, privés de leur état civil et adoptés pour leur bien. Ils voulaient tout simplement les sauver de l’idéologie pernicieuse, diabolique de leurs parents et en faire de bons citoyens qui auraient bien intégré l’idéologie chrétienne, capitaliste, libérale, occidentale des assassins de leurs parents.

Le terrorisme d’État fait pour le bien de la victime peut aussi prendre une autre forme : c’est l’embrigadement de force (ou prétendument volontaire) des jeunes adolescents dans les forces armées.

L’armée peut être celle d’un état établi ou d’un mouvement de rébellion, peu importe ! Les "recruteurs" et les "instructeurs" de ces enfants, même s’ils utilisent des méthodes violentes, et cruelles, gardent toujours bonne conscience, grâce à eux les enfants-soldats vont devenir héros, et s’ils meurent, ils deviendront martyrs de la "bonne cause" religieuse ou politique.

III Violences dans les institutions
Or, dans les institutions, j’ai retrouvé les mêmes deux sortes d’attitudes psychologiques envers les enfants qu’on maltraite, qu’on punit trop ou qu’on églige.

1-.La négation de la nature humaine
Dans certains cas, l’équipe et une partie de l’opinion publique considèrent les enfants comme ne méritant pas un sort meilleur que celui, même fort mauvais, que leur réserve l’institution.

Je donnerai ici des exemples concernant trois catégories de tels enfants, liste absolument non exhaustive : ce sont les jeunes délinquants, les handicapés graves et les nourrissons.

a) Les jeunes délinquants
Je travaille depuis trente ans avec des jeunes délinquants ; c’est un sujet qui m’est donc très cher. Trop d’équipes dans le monde, et pas seulement dans le Tiers-
Monde, les considèrent encore comme de la graine de violence, comme du "gibier" bon pour la potence, comme perdus "quoi qu’on fasse avec eux". J’ai connu un professeur de psychiatrie, pourtant bon français, qui disait d’une petite fille de douze ans amenée pour un larcin : "Elle est pauvre, elle est belle, elle est d’une famille dissocié, elle va être une putain". .

Il est normal qu’avec un pronostic aussi péremptoire émis par une sommité médicale, l’équipe de la "maison de correction" considère une telle fillette comme perdue d’avance quoi qu’on fasse avec elle ; cette équipe ne pourra que lui appliquer un régime punitif pour la "mater" au moins pendant son séjour.

Dans les institutions punitives ou plus ou moins violentes, on considère que les jeunes pensionnaires sont génétiquement tarés ou bien marqués d’une manière indélébile par leur passé familial et par leur absence d’intégration des lois du pays.

En France, un tel système était la règle jusqu’en 1936. Cette année, grâce à un mouvement d’une partie de l’opinion publique, animé par une journaliste humaniste, Alexis Danan, et grâce au mouvement du Front Populaire a commencé un début d’humanisation des institutions pour jeunes délinquants. Ces améliorations ont continué et la situation devenait toujours moins violente, surtout après 1945 et après 1958 avec le Général de Gaulle. Le régime et l’atmosphère de ces maisons se sont encore plus humanisés depuis le grand mouvement populaire de 1968. Aujourd’hui, je peux dire, et j’en suis très fier, qu’en France nous avons un système de rééducation des jeunes délinquants qui est certes très loin d’être parfait, mais qui est des moins mauvais du monde.

Il y a huit ans, j’ai vu un film britannique, "Scums", qui montrait des choses absolument horribles qui se passaient dans une institution pour jeunes délinquants, manifestement considérés par la direction et par le personnel comme des sous-hommes irrécupérables. Peu de temps après, j’ai eu l’occasion de rencontrer une dame qui était médecin-chef de toutes les prisons pour mineurs du Royaume-Uni (ou seulement d’Angleterre). Je lui ai demandé si elle jugeait ce film comme une ignoble calomnie de son pays. Elle m’a répondu avec beaucoup de flegme : "Oh no, everything is right, but they are showing in one day in one house what we are doing in ten institutions during five years.. .

Espérons que depuis dix ans nos amis anglais considèrent les jeunes, même délinquants, comme étant avant tout des jeunes et des êtres humains.

Il y a quinze jours, j’ai vu à Paris un film qui venait d’Union Soviétique, "La liberté c’est le paradis", qui ose enfin montrer au cinéma la réalité telle qu’elle est.

Ce film était très fort et très beau ; il respirait la vérité et l’amour des jeunes. Je ne peux qu’avouer ici mon émotion et ma tristesse, quand j’ai vu que soixante-dix ans après MAKARENKO, on considère encore ces jeunes victimes de conditions familiales désastreuses comme des vicieux, tarés génétiquement et que le régime des maisons de correction est celui des bagnes d’enfants disparus en France depuis plus de cinquante ans.

Je ne sais pas comment sont traités les jeunes délinquants aux États-Unis, mais nous savons tous qu’il y a au moins vingt États où ils peuvent être condamnés à mort s’ils sont âgés de plus de quatorze ou quinze ans (quand ils ont commis un crime de sang, c’est vrai), et qu’on peut les exécuter en tant que cadeau d’anniversaire pour leurs dix-huit ans.

Je pense que condamner à mort un adolescent et pendant des années lui faire attendre son exécution dans le couloir de la mort, est une violence inadmissible même s’il est un criminel. Je pense que cette violence est due à la conviction des juges qui estiment que par son crime, il s’est retranché de la communauté humaine, qu’il n’est plus un être humain, et qu’il ne pourra plus jamais devenir un être humain. 9

C’est cela également que doivent penser les policiers de Rio et de Sao-Paulo lorsqu’ils torturent ou tuent comme des lapins des enfants des rues, certes asociaux, capables de voler ou de détruire une belle voiture...

b) Les handicapés graves
Des institutions pour handicapés graves où règne un régime de violence ou plutôt d’abandon et de négligences graves sont encore relativement fréquentes, même en France, même dans les pays riches.
Une partie du personnel, voire des responsables, estime que tout ce qu’on fait pour ces enfants est déjà trop, que c’est peine perdue, qu’ils feraient mieux de mourir. Ainsi négligences et sévices sont le lot quotidien de ces gosses.

Ce déni de qualité humaine aux enfants polyhandicapés dont les plus gravement atteints sont qualifiés parfois de "légumes", de "végétables", est ayons le courage de le dire, partagé par une fraction non négligeable de l’opinion publique. Il justifie "logiquement" le mépris de leur vie, de leur souffrance, de leur bien-être.

Il est heureusement rare encore qu’on s’en serve comme cobayes pour faire progresser les thérapeutiques (qui ne leur seront jamais destinées) ou même la "connaissance scientifique".

Il est plus fréquent qu’on les laisse croupir sans thérapie ni éducation, sans se rendre compte combien cette négligence, aggravée parfois par la maltraitance, entrave leur évolution et alourdit le tableau pathologique.

Parfois les responsables, pour justifier l’ambiance archaïque et parfois violente de leurs institutions, mettent en avant l’absence de moyens matériels et rejettent la faute sur l’administration ou sur L’État. Je pense que c’est une fuite devant ses responsabilités, que l’on peut respecter ces enfants mêmes dans la pauvreté, et leur offrir davantage d’affection que dans certaines institutions plus riches.

c) Les nourrissons
L’idée de la nature humaine du nourrisson n’a pu émerger qu’à la suite d’une
baisse drastique de la mortalité infantile.

Comment s’attacher à un petit être sans parole qui aura une chance sur trois ou quatre ou cinq de ne pas survivre avant la fin de la première année ?

Jusqu’à récemment, dans nos sociétés, l’infanticide, même s’il était puni par la loi, inspirait beaucoup moins d’horreur ou d’indignation que le meurtre d’un enfant plus âgé ou d’un adulte.

S’ils doivent vivre en dehors de leurs familles (chez des nourrices mercenaires ou dans les pouponnières), les nourrissons et les petits enfants risquent encore davantage de devenir victimes de négligences et de mauvais traitements.

Les médias audiovisuels ont provoqué récemment une juste indignation contre ce . qui se passe dans les "orphelinats spéciaux" en Roumanie. Mais ce pays n’a nullement le triste monopole des mauvais traitements pour les nourrissons abandonnés ou réputés handicapés.

Il ne faut pas oublier que c’est seulement vers 1950 qu’on a commencé à enseigner dans les facultés qu’un nourrisson est autre chose qu’un tube digestif. Or un tube digestif n’est pas un être humain et, aussi longtemps qu’on croit que jusqu’à six mois, un an, il n’est qu’un tube digestif, eh bien on peut lui faire subir des sévices sans mauvaise conscience. On ne se croit pas obligé ni de l’aimer, ni de lui parler. A la même époque où les KEMPE et SILVERMAN ont attiré l’attention sur les parents qui maltraitent leurs bébés comme s’ils n’étaient pas des êtres humains, d’autres chercheurs tels que Spitz, Bowlby, Myriam-David en France ont découvert le rôle hautement pathogène de la maltraitance psychologique et parfois physique dans les pouponnières, les crèches, voire dans les services hospitaliers tout en montrant qu’un nourrisson est un être humain.

Même dans les pays riches, ces institutions n’ont commencé que depuis peu à tirer les leçons de ces travaux.

Parfois la qualité humaine est déniée seulement à certaines catégories de nourrissons : ici ce sont de petits Tziganes, là, des enfants abandonnés, ailleurs plus spécifiquement ceux qui sont nés hors d’un mariage légitime.

J’ai pu visiter ainsi dans un pays d’islam, des pouponnières où on fait volontairement mourir ou devenir psychotiques des nourrissons. On les considère comme des oeuvres du diable parce qu’ils sont nés de mères célibataires, et on pense qu’un enfant né hors mariage DOIT être psychotique ou mourir. Il y a quinze ans encore, lors d’une de ces visites, j’ai appris que les jours fériés on montrait, comme au spectacle, une telle pouponnière aux notables de ta ville. La vue de ces bébés animés de stéréotypies, l’air hagard, à peine humain... ne pouvait que conforter ces bien-pensants dans leurs préjugés (cette pratique fut arrêtée aussitôt après ma visite).

Mon indignation a été tempérée car je savaisque des attitudes semblables régnaientdans l’Angleterre victorienne et dans la France du XIXème siècle.

2- Violence faite pour le bien de l’enfant


Dans nos pays riches, industriels, civilisés et démocratiques, beaucoup plus souvent que la négation de la nature humaine, nous trouvons la deuxième forme de violence, celle qui est faite pour le bien de l’enfant.

Ici, les violences sont commises avec la meilleure conscience du monde et leurs auteurs se considèrent comme de bons médecins, comme de bons thérapeutes, comme de bons éducateurs, comme des chirurgiens de l’esprit, fiers d’extirper le mal qui se trouve dans l’enfant.

Lorsque nous les accusons de négliger les droits de l’enfant, d’exercer sur lui des mauvais traitements, plus souvent d’ailleurs psychologiques que physiques, ils sont sincèrement choqués, ils clament leur innocence. Ils ne nient pas les faits reprochés mais ils en attribuent la nécessité à la gravité de la pathologie médicale ou sociale de leurs patients.

"Si vous saviez tout ce qu’il faut faire pour sortir ces enfants de leur maladie, vous n’auriez pas crié que nous sommes violents. Nous sommes obligés de nous salir les mains" disait récemment un pédopsychiatre français renommé. Ces enfants ont besoin de gifles, ils ont besoin de surstimulations parce qu’ils sont autistes, parce qu’ils sont délinquants, parce qu’ils sont énurétiques, etc.

a) Les cas sociaux et les jeunes délinquants
Dans les institutions pour cas sociaux et poùr jeunes délinquants, nous trouvons des règlements abusifs, sévères jusqu’à l’absurdité et d’autres formes de violations permanentes des droits de l’enfant.

Le pensionnaire n’est pas nié comme être humain, mais il est nié comme sujet de droit. En France, nous connaissons une institution très sévère, qui .s’appelle le Patriarche. Elle s’occupe théoriquement de jeunes marginaux caractériels sous prétexte qu’ils fument parfois du hachisch. Ici, on peut enfermer un jeune contre son gré et le poursuivre avec des chiens s’il s’évade.

On viole tous les jours la "loi de 1838" (c’est une loi française qui exige un certificat médical pour interner quelqu’un sans son accord). On peut le battre, on peut lui infliger des punitions physiques, lui faire des lavages de cerveau répétés comme dans les DAY-TOPS aux États-Unis. La fin justifie les moyens.

Cette institution qui a été très combattue par une partie de l’opinion publique en France, vit de plus en plus au-dessus des lois et au-dessus des critiques, surtout depuis l’apparition du SIDA.

Certes, avec des jeunes atteints à la fois du SIDA et de toxicomanie, il est difficile de jouer à l’âme fine et à l’humanisme. Personne n’ose plus interdire de commettre quelques violences sur ceux qui sont rejetés par les services hospitaliers chargés de les soigner.

L’institution Le Patriarche ne nie pas les violences et les violations de droits dont on l’accuse. Elle ne dénie pas non plus la qualité humaine à ses patients. Elle estime par contre, et bien des parents la suivent sur ce terrain, que les méthodes violentes sont le seul moyen de sauver ces jeunes de l’esclavage provoqué par la drogue, voire de les sauver de la mort.

b) Les psychotiques et les handicapés graves
Voici un autre exemple de violences faites pour guérir certains enfants, c’est le "bâton de vaches", bien connu aux États-Unis et au Canada.

C’est un petit bâton électrique dont les cow-boys se servent pour conduire les vaches au corral ou à l’abattoir. Or, quelque génial théoricien de behaviorthérapie (je ne connais ni son nom, ni s’il était canadien ou américain) constata que lorsqu’on applique ces secousses électriques aux enfants psychotiques qui font des stéréotypies ou des’ automutilations, eh bien ils font moins de stéréotypies et moins de mutilations. Après dix ; ou cent, ou trois cents secousses électriques qu’on leur inflige après chaque stéréotypie, leur fréquence diminue.

On peut dessiner de beaux graphiques colorés, corréler le nombre et la force de ces décharges avec la quantité de stéréotypies et prouver ainsi que la méthode est sétieuse et scientifique.

D’autres praticiens du comportementalisme protestent contre ce procédé et estiment qu’il n’est pas moral. Il y a une bataille idéologique entre les partisans de la "mild-therapy" qui interdisent ces violences et les partisans de la "hard-therapy" qui les considèrent simplement comme des "renforcements négatifs", nécessaires au succès du traitement et "scientifiquement" licites.

A mon avis, le "pipi stop", un petit instrument vendu dans toutes tes pharmacies du monde civilisé, qui provoque une décharge dans les parties sexuelles de l’enfant qui fait pipi au lit, constitue déjà une violence à l’enfant. Cependant, il est considéré encore par la majorité de l’opinion publique de nos pays civilisés, comme un traitement "normal" fait pour le bien de l’enfant énurétique.

Je voudrais exprimer ici les deux petits points de désaccord avec notre ami qui a exposé avec tant de chaleur, d’émotion et de vérité l’extermination des enfants handicapés de L’État Nazi.

Je pense qu’il est trop sévère avec les parents allemands de l’époque. Selon mes sources d’information, le nombre de parents qui ont vraiment accepté l’euthanasie de leur enfant était relativement petit. La plupart, dès qu’ils ont compris qu’on assassine leurs enfants, ont commencé à protester, autant qu’on pouvait le faire en 1939 dans L’État Nazi, obligeant ainsi les médecins nazis à pratiquer ces "euthanasies" de plus en plus clandestinement.

Notre ami a aussi omis de dire que même L’État Nazi a été obligé, dès 1940, d’arrêter ce massacre devant les protestations croissantes des autorités religieuses et de certaines familles.

Mon deuxième désaccord concerne le jugement, à mon avis trop sévère, porté sur les parents qui appliquent aujourd’hui la méthode DOMAN.

Notre ami dit que ces parents sont en proie à l’instinct de mort et qu’ils souhaitent inconsciemment la mort de leur enfant. A la demande du Ministère de la Santé, j’ai mené en 1988 une enquête sur la méthode DOMAN qui m’a permis de questionner et d’entendre un assez grand nombre de parents. Je suis adversaire de cette méthode et dans mes conclusions j’ai proposé de ne pas rembourser les frais qu’elle entraîne. Je suis d’accord avec l’orateur et j’estime comme lui que la méthode DOMAN est inhumaine, qu’elle manque complètement de respect pour "enfant. Mais je ne peux pas mettre en doute l’amour de ces parents pour leur enfant handicapé. Je refuse l’attitude de "psychanalyse sauvage" qui finit toujours par trouver un désir de mort envers ceux que l’on aime. Lequel de nous n’a jamais souhaité inconsciemment ou consciemment la mort d’un être aimé ?

Si nous accusons d’emblée ces parents "Domaniens" de ne pas aimer leur enfant, nous allons les retrancher de notre communauté thérapeutique et nous n’aurons plus aucune prise sur eux. Nous allons faire d’eux nos ennemis et nous ne pourrons plus
jamais aider ni eux, ni leurs enfants.

J’estime très sincèrement que les parents qui font confiance à la méthode DOMAN le font pour le bien de leur enfant. Je ne mets jamais en doute la pureté de leurs intentions, je considère plutôt leur engagement comme un enfer, mais pavé de bonnes intentions et cette attitude permet d’ailleurs plus facilement d’aider les parents à sortir de la méthode DOMAN

c) L’école
Pour terminer ce chapitre des violences faites pour le bien de l’enfant, je dirai un mot d’une vénérable institution dont beaucoup d’entre nous ont été plus ou moins victimes : c’est tout simplement l’école.

Tout le monde connaît l’école japonaise ou les enfants se suicident à une fréquence inquiétante. Les Japonais ont érigé la violence scolaire en système le plus cohérent du monde. Mais ce pays n’en a pas du tout le monopole. La recherche permanente du succès scolaire pour assurer une bonne place dans la compétition vitale, l’intégration par l’enfant de la nécessité absolue du succès scolaire dans une école élitiste, constitue déjà une violence.

Ce qui prouve combien l’enfant humain est fort et résistant, plus que tous les mammifères, c’est que la plupart d’entre nous a subi l’école et que nous avons survécu et même nous sommes devenus universitaires, et congressistes.

Mais trop nombreux restent des enfants plus faibles qui n’arrivent pas à de rejet, l’amertume et pour bien d’autres la marginalisation, la supporter ce système. Il entraîne pour beaucoup d’entre eux la culpabilité, le sentiment délinquance, la drogue. Mais ce n’est pas le lieu ici de discuter à fond ce problème si vaste et si important. J’ai voulu seulement y attirer l’attention sur lui, en tant qu’exemple typique d’une violence commise quotidiennement par des gens pleins de bonne volonté avec les meilleures intentions du monde.

3 - Violences sexuelles et abus sexuels
L’état actuel de ma réflexion ne me permet pas d’intégrer dans mon schéma les violences sexuelles et les abus sexuels.

Je serai donc très bref sur ce sujet important.

Je crois que les violences sexuelles, dans les institutions, entrent plutôt dans la première catégorie : les gens qui les commettent, considèrent que les jeunes handicapés ou les petits délinquants, même s’ils sont des êtres humains, demeurent d’une essence inférieure. Ils ne sont pas des sujets au plein sens du terme, sujet de désir et de plaisir, mais ils sont tout juste bon à servir d’objet de plaisir pour un membre de l’équipe.

Récemment, j’ai rencontré en France des gens qui commettent des abus sexuels surtout avec des adolescents, en les justifiant par une espèce de démagogie de gauche, prétendant qu’ils agissent pour le bien de l’enfant et tenant un discours sur la liberté sexuelle et sur le droit au plaisir de l’enfant.

Je suis convaincu que la seule chose qui les intéresse vraiment, c’est leur propre. plaisir d’adultes.

4- Violences intra-familiales
Je serai également très bref sur les violences intra-familiale, sujet que je connais moins bien que les violences institutionnelles.

Je pense que les parents vraiment sadiques, qui tirent une jouissance pathologique de la violence qu’ils infligent aux enfants, restent exceptionnels. Rares sont ceux qui nient explicitement la qualité humaine de leur enfant. Je pense que la plupart des parents maltraitants ignorent purement et simplement que leur enfant, surtout s’il est encore nourrisson, a une dignité humaine. Ils ignorent purement et simplement les besoins psychologiques, affectifs et même psychiques.

On comprend le désarroi des travailleurs sociaux lorsqu’ils veulent défendre enfant contre ses parents bourreaux, et lorsqu’ils se trouvent devant un parent lui-même victime, qui ne comprend rien, et qui ne sait pas que l’enfant est un être qui mérite du respect.

Mais les travailleurs sociaux sont encore plus démunis lorsqu’ils se trouvent devant d’autres familles, pas toujours pauvres, qui se livrent à des gestes sadiques, à de 1 maltraitance, à des violences psychologiques, dans le but de "bien élever" leur enfant. )n connaît le cas du Président Schneider décrit par Freud et on connaît la "bonne éducation prussienne" dont le père de ce pauvre président a été un fervent praticien et n illustre théoricien.

Je pense qu’elle est encore loin d’être disparue, non seulement en Prusse, mais aussi dans les pays anglo-saxons, mais aussi en France.

On estime encore souvent que "qui aime bien châtie bien". On pense que la punition permanente, la dureté de la vie, la non-démonstration des affects, voire même quelques violences plus raffinées sont nécessaires pour que la progéniture donne de ans citoyens.

En Angleterre, on soumettait à un dressage permanent les gens des classes supérieures, pour qu’ils puissent soumettre au même dressage les peuples de races Inférieures, les Indiens, les Africains, etc.

Pour devenir un bon officier, on devait déjà souffrir quand on était petit.

Ainsi, souvent, des violences intra-familiales, surtout dans les classes moyennes et supérieures, sont commises avec les meilleurs sentiments du monde et pour le bien de l’enfant.



Conclusions


L’analyse même sommaire des mécanismes psychologiques et de l’idéologie qui rendent possible l’accomplissement des violences et leur acceptation par l’opinion publique montre que la notion même de violence ou plutôt de son caractère licite ou interdit est relatif dans le temps et dans l’espace.

Cette relativité rend compte de la nature très aléatoire des études statistiques et épidémiologiques consacrées à ce sujet.

On peut faire une très bonne épidémiologie du syndrome de Silverman, de l’hématome sous-durai, du Kwashiorkor dans un pays africain, mais on ne pourra pas ire une épidémiologie vraiment objective des violences institutionnelles et intra familiales, surtout celles faites pour le bien de l’enfant.

Ce que les uns considèrent comme une violence inadmissible, reste pour d’autres l traitement ou une pédagogie sévère mais parfaitement licite et normale.

Ainsi, par exemple, les punitions physiques considérées en France comme une vioIence depuis cinquante ans au moins ont été interdites en Angleterre il y a six ans seulement et sont encore légales dans certains États des États-Unis, si j’ai bien compris s débats du Congrès, en Allemagne.

Ainsi, les traitements et les régimes que j’ai rencontrés dans certaines institutions en France ou à l’étranger me paraissaient extrêmement violents, alors qu’ils semblaient tout à fait normaux aux équipes qui les appliquaient.

Je me souviens qu’il y a trente ans encore, on faisait des électrochocs aux enfants de cinq ans dans les cliniques universitaires de Paris.

Aujourd’hui, ce serait considéré comme une cruauté.

Ainsi, en Suède, on a créé la fonction de "médiateur d’enfants" qui pourra juger cruels ou violents les actes et les attitudes, considérés comme faisant partie de la pédagogie quotidienne dans tous les autres pays. J’espère que demain, on considérera comme cruauté envers l’enfant beaucoup de ce qui est encore admis dans la plupart des pays dits civilisés.

Pour prévenir et combattre les violences, pour sauver des nourrissons, des enfants, des adolescents des mauvais traitements qui leur sont infligés, pour qu’ils puissent tous un jour réellement profiter de la Déclaration des Droits de l’Enfant votée par l’O.N.U., pour adoucir leur sort quotidien, ne jamais bafouer leur dignité, pour toujours leur assurer le droit au respect en tant que personnes humaines, notre rôle est double et notre action doit porter sur deux points :

1- nous faudra toujours dépister, prévenir et faire arrêter toutes les violences et tous les abus qui sont déjà considérés comme tels par la majorité de l’opinion publique ; je souligne ici, que je ne dis pas "punir" mais seulement prévenir et faire arrêter. La punition est encore une autre histoire comme dit Kipling et vous m’excuserez de ne pas en parler aujourd’hui.

2- C’est également notre tâche à nous, les travailleurs sociaux, les médecins, les psychiatres, les psychologues que d’élargir de plus en plus la notion de mauvais traitement, de manque de respect pour l’enfant. Nous devons repousser toujours plus loin les limites de ce qui doit être considéré comme insupportable parce que cela atteint l’enfant dans son corps, dans son esprit et dans la dignité de sa personne humaine.

Je pense que nous devons toujours sauvegarder l’amour et le respect pour les enfants qui ont motivé, quand nous fûmes jeunes, le choix de notre métier.

Or, dès que nous entrons dans une institution et que nous sommes souvent étonnés par le manque de respect pour eux, tout l’enseignement que nous recevons est fait pour nous faire accepter que notre hiérarchie a toujours raison et que ce que l’on fait aux enfants est une nécessité.

Eh bien, je crois que si on arrive à comprendre que rien n’est nécessaire sauf le . respect, on va améliorer progressivement, lentement, et en même temps que la politique, le sort des enfants dans le monde.

Merci

LES MÉCANISMES PSYCHOLOGIQUES CHEZ LES AUTEURS DE VIOLENCES -
- Word - 77 ko


   Articles en texte intégral   
  
Education des enfants à la démocratie et actualité de la pensée de Janusz Korczak   
  
La confusion entre punition et soins : la justice soignante   
  
L’enfant, droits et devoirs   
  
L’amour dans la rééducation : Janusz Korczak, Bettelheim, Jo Finder   
  
Famille et exclusion sociale   
  
Le Pouvoir   
  
La résilience   
  
Les mécanismes psychologiques chez les auteurs de violences   
                                         © 2004 - Association "Les Amis de Stanislaw Tomkiewicz"                               webmaster