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La résilience : cet article a été publié dans la revue "Actualité et dossier en santé publique" n° 31, juin 2000, p. 60-62. (La Documentation française).


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TOMKIEWICZ S. - La résilience. adsp (actualité et dossier en santé publique) n° 31, juin 2000, p. 60-62. (La Documentation française).



La résilience est la capacité de résister aux chocs, rebondir, aller de l’avant après un traumatisme. Elle fait appel à la reconnaissance et à la mise en œuvre des compétences des individus touchés. Cette notion vient contrebalancer l’association « vulnérabilité/fatalité »

La résilience est au carrefour de la clinique, de la recherche et de la pratique dans des disciplines variées : sciences humaines surtout, mais aussi génétique, biologie, médecine...On connaît depuis toujours des enfants, des adolescents, des familles qui, confrontés à des risques sérieux, à des évènements déstabilisants, réagissent positivement et réussissent leur vie alors que d’autres, dans la même situation, perdent pied et s’enfoncent. La résilience nous convie a positiver notre regard sur autrui et à modifier nos pratiques, en commençant peut-être par mieux observer, identifier, utiliser les ressources propres de ceux dont nous avons à prendre soin.

Le succès du concept de résilience semble issu des abus des concepts de « vulnérabilité » et « population à risque » qui, depuis des décennies, ont dominé le travail médico-psycho-social. Trop de professionnels ont mal compris la ’natUre statistique de ces notions : ils ont confondu risque et fatalité et en arrivent a des jugements péremptoires trop pessimistes et à des pratiques nocives et excluantes. Le concept de vulnérabilité incite a trop regarder la moitié vide de la bouteille, la résilience invite à en regarder la moitié pleine.

Un concept optimiste
La « mère » de la résilience, Emmy Werner, a suivi pendant trente ans une cohorte de 700 enfants nés en 1955 dans l’archipel de Hawaii. Sur 200 de ces enfants considérés, à l’age de 2 ans, a risque élevé de troubles du comportement, 70 ont évolué favorablement sans aucune intervention thérapeutique et sont devenus de jeunes adultes compétents et bien intégrés. Ils ont su « rebondir » a partir d’une enfance difficile et rester invaincus dans leur parcours existentiel. À côté de cette résilience aux souffrances d’origine familiale, privée, on a décrit celle aux traumatismes et aux sitUations extrêmes de nature « historique » (la guerre, les camps, les exodes, les génocides). La résilience a été décrite ainsi chez les enfants des rues, dans des situations de maltraitance, de handicap ou de maladies graves, de violence, d’alcoolisme, de toxicomanie, de pauvreté, de deuil, de séparations. .. Les enfants sont affectés directement ou du fait de la pathologie sociale et/ou mentale dont souffrent leurs parents.
Le terme résilience exprime la résistance aux chocs, du latin « salire », (sauter, rebondir) le préfixe re indiquant la répétition. Résilier, c’est rebondir, aller de l’avant après une maladie, un traumatisme, un stress. C’est surmonter, résister, puis dépasser les épreuves pour continuer a vivre le mieux possible. Parmi les nombreuses définitions assez convergentes, consensuelles, voici celle de S. Vanistendael « la résilience est la capacité a réussir de manière acceptable pour la société, en dépit d’un stress ou d’une adversité qui comportent normalement le risque grave d’une issue négative ». Ces définitions indiquent toutes que la résilience n’est pas une simple résistance, mais implique une évolution positive de longue durée, voire de toute l’existence. Ce serait une possibilité de rebondir, de construire une vie heureuse, malgré les aléas graves du sort. Cependant elles ignorent les conditions de vie ou cette existence va se dérouler, et son prix. Le terme « acceptable par la société » ignore les solutions « favorables » mais asociales, comme celles des enfants des rues qui développent des stratégies de survie tout à fait hors la loi. Les définitions ne précisent pas qu’on n’est jamais résilient seul et dans l’absolu ; un entourage tant soit peu favorable est indispensable pour donner libre cours à la dynamique individuelle et aux interactions qu’elle implique. La résilience n’est jamais absolue et définitive. Elle est modulable par les circonstances de la vie et par le vécu psychologique et elle peut être débordée à tout moment. Les auteurs nord-américains ont tenté de décrire les caractéristiques d’un enfant résilient : meilleur niveau socio-économique de la famille, bonne santé et absence de déficits organiques, n’ayant pas été victime de pertes ou de séparations précoces, QI élevé, efficacité à résoudre les problèmes, self-control élevé, tempérament facile, qualités d’empathie et, bien sûr, sens de l’humour. Sont considérés comme facteurs favorisants : des parents compétents, une relation chaleureuse avec au moins une personne et un bon réseau relationnel. Tous ces traits de la personnalité et de l’environnement évoquent le vieil adage : « l1ieux vaut être riche et bien-portant que pauvre et malade ». Ils permettent aussi de se demander à quoi sont-ils résilients tous ces enfants si bien nantis par la natUre et par la vie ? Il vaut mieux à notre avis distinguer une résilience structUrelle liée à des situations défavorables, durables et une résilience conjoncturelle répondant à des événements brutaux déstabilisants.

Pour Emmy Werner, les enfants résilients étaient issus de familles relativement peu nombreuses, avaient pris tôt des responsabilités intrafamiliales (les filles) ou établi des liens affectifs extrafamiliaux (les garçons). À l’école, même si .la scolarité était médiocre, l’adaptation et le comportement demeuraient corrects. Ces enfants induisaient des réponses positives de la plupart des adultes qui les décrivaient comme affectUeux, faciles et équilibrés. Ils dérangent peu et trouvent des adultes qui les soutiennent. Pour beaucoup d’auteurs c’est le maintien d’une bonne estime de soi qui donne la clé de la résilience.

Plutôt que composée de facteurs additifs génériques et environnementaux, la résilience se tisse, se « tricote » (B. Cyrulnik) tout au long de l’enfance sur les bases que l’enfant possède à la naissance et à travers les rencontres avec les « tuteurs de développement », qui permettent de vaincre, d’éviter, de passer à travers les événements défavorables, tout en modifiant à leur tour les caractéristiques réputées intrapsychiques. Cette vision dynamique et dialectique noUs permet de relativiser les différents catalogues des traits de personnalité notés au moment de l’examen chez les enfants réputés résilients, traits considérés sans preuve comme préexistants aux situations traumatisantes, voire comme innés et permanents.

C’est sur une base génétique modulée par la vie intra-utérine que les événements de l’existence, des relations où le hasard joue certainement un rôle trop méconnu, viendront tisser les résiliences, tout comme les vulnérabilités. Car il n’y a pas une résilience, mais des possibilités de rebondir qui varient tant selon la natUre et l’intensité des traumatismes que suivant le moment où ils agissent dans le développement de l’individu. Ainsi au cours de la grossesse, les nuisances infectieuses, toxiques, métaboliques peuvent fragiliser l’embryon et le fœtus, mais le vécu réel et aussi fantasmatique de la mère peut Jui aussi - mais par quels canaux ? - les affermir ou les rendre plus susceptibles. On connait mieux l’influence capitale du stress de la naissance et des interrelations et interactions des premières années de la vie. Longtemps considérées surtout, voire Jl1liquement, comme facteurs de vulilérabiITté, elles sont maintenant regardées aussi comme des facteurs de résilience. Se trouve ainsi « réhabilitée » une certaine dureté de l’environnement qui, dit-on, agirait comme un vaccin contre les aléas de la vie ultérieure.

La main tendue ou l’importance d’une relation positive
On conçoit que pour démêler la complexité infinie de la vie qui implique la biologie, la psychologie mais aussi la sociologie, les étUdes populationnelles empiriques nordaméricaines avec leurs appareils statistiques sophistiqués sont plus trompeuses qu’instructives. Cependant de trop rares études des cas pointent toujours et pa,rtout le rôle protecteur d’une relation positive, fut-elle unique, qui correspond à ce que les braves gens ont appelée « la main tendue ». Elles permettent de comprendre comment les événements néfastes tant privés (deuil, séparation, agression sexuelle) que publiques (guerres, catastrophes) font d’autant plus émerger la résilience que le vécu antérieur a mieux formé la personnalité de l’enfant. On comprend mieux aussi l’importance capitale de ce tUteur, fut-il unique, qui soutient et guide l’enfant pendant et après ces épreuves.

Cet impact du passé est encore plus prégnant chez les adolescents. Dénonçons ici la vanité des études sur la « résilience des jeunes délinquants » qui prennent comme seul critère la non-récidive des comportements anti-sociaux. Ces étUdes ne disent rien du passé de ces jeunes qui les a amenés vers la délinquance. Elles ignorent superbement la « résilience antisociale » qui se manifeste par une réussite (mesurée en argent, en conquêtes sexuelles et en pouvoir sur les autres, y compris le pouvoir de nuire) dans un milieu considéré comme immoral, voire criminel, mais curieusement parallèle et malgré tout toléré par la société officielle. Enfin, plus que les facteurs individuels de la résilience, elles pointent les qualités pédagogiques et thérapeutiques des institutions où elles ont étépratiquées. Leurs« trouvailles » apparaissent un peu comme des truismes : les résilients sont intelligents, réussissent bien en classe, sont relativement indemnes de signes de pathologie mentale et ont tendance à se démarquer des comportements malsains de leur famille (alcool, toxicomanie, etc.). On ne sait manifestement pas si ce sont là des facteurs d’émergence ou des signes même de la résilience.

La résilience de certains adultes a été magistralement décrite dans les conditions extrêmes des camps de concentration par Bruno Bettelheim et Primo Lévi. Si les explications du premier apparaissent pour le moins subjectives, Primo Lévi préfère y renoncer. Il insiste seulement sur ses limites qui se manifestent d’une façon brutalement comptable : plus les conditions de vie deviennent cruelles, plus le nombre de « résilients survivants » tend vers zéro.

On ne peut aussi qu’admirer plutôt que comprendre la merveilleuse résilience de ces adultes qui font face et arrivent à construire une nouvelle existence humainement valable quelle que soit l’intensité des traumatismes existentiels ou corporels.

L’étude des facteurs de la résilience est d’autant plus ardue que le même, selon les circonstances, peut devenir facteur de risque ou facteur de protection. Citons, avec M. Rutter, l’entrée à l’école, véritable trauma pour un petit surprotégé jamais sorti des jupes de sa maman, mais véritable planche de salut pour un enfant intelligent, mais négligé dans un milieu pauvre économiquement et afFectivement. Plus tard, le service militaire, tant craint par certains fils de bonne famille, permettait une excellente insertion sociale aux jeunes illettrés. Cette ambivalence de certains facteurs est d’ailleurs bien connue des médecins et des biologistes : citons en exemple la drépanocyt9se, responsable d’une anémie hémolytique mais aussi facteur de protection contre le paludisme.
On parle volontiers de la résilience, au « stress ». Pour Selye c’est là un ensemble des réactions spécifiques de l’organisme faisant suite à une agression. Dans cette optique une bonne aptitude au stress est un excellent facteur de résilience et on parlera de « strain » (épuisement) lorsque ces mécanismes sont débordés. On parlera aussi des « maladies du stress » lorsque ces mécanismes dépassent leur but de défense et engendrent à leur tour des maladies dites de système. Ces phénomènes biologiques trouvent facilement un parallèle dans le monde psychologique. C’est le « prix à payer » pour une résilience efficace : une bonne adaptation sociale chez un enfant issu d’un milieu carencé, celle d’un jeune qui a surmonté de graves adversités personnelles ou « publiques », s’accompagnent souvent d’une souffrance psychique tenue volontiers’ secrète ou bien des traits ditS « caractériels » qui font souffrir les proches et Je sujet lui-même : tendances obsessionnelles, perfectionnisme, méticulosité et/ou psychorigidité, mépris de ceux qui « n’ont pas réussi à s’en tirer », une morale plus stigmatisante que charitable.

Notons que l’on décrit aussi une « résilience au stress » plutôt que de dire simplement « résilience au traumatisme ». Cet, abus de langage sème la confusion.

Il est temps de récapituler et de compléter ici les critiques faites tout au long de cet essai à la résilience pour t,erminer en montrant ce qui nous paraît malgré tout un apport très positif de cette notion à la compréhension des êtres humains et à la pratique médico-psycho-sociale préventive et thérapeutique.

La résilience comprend mais dépasse les notions plus anciennes et plus statiques de résistance, de coping et d’invulnérabilité. Elle comporte en plus l’idée d’un départ pour une expérience nouvelle, un projet de vie, voire un certain enrichissement de la personnalité soumise aux épreuves et aux traumatismes.

Plus sérieuse apparaît la critique portant sur l’application pratique de cette notion, qui reste encore trop floue dans sa définition, qui confond trop souvent les facteurs d’émergence et les caractéristiques des personnes résilientes, qui simplifie dangereusement les critères de succès, trop réduit à une conformité aux normes de la « bonne société » des classes moyennes.

Nous avons déjà mentionné ses limites dans le temps : Primo Lévi et Jules Renard cités souvent comme exemples-phares de la résilience à la maltraitance familiale ou « historique » se suicident de longues années après « avoir surmonté » les adversités dont ils ont été victimes. Nous avons vu aussi qu’elle varie dans son amplitude et ne couvre toujours pas tous les domaines de la vie : on peut être résilient à l’école et vulnérable à la maison ou dans la rue ou l’inverse.

La critique de loin la plus sérieuse, bien exprimée par Alice Miller (comm. personnelle) est el’ ordre éthique, voire politique : c’est le risque de sa récupération ultra réactionnaire. En effet, elle peut donner prétexte au blâme de ceux qui n’en font pas preuve. Elle peut fournir aux responsables administratifs et politiques qui financent les programmes d’aide sociale - voire à certains professionnels - des arguments pour opposer enfants et familles « qui s’en sortent », et donc n’auraient pas besoin des services et prestations, à ceux et celles qui, non résilients, sont jugés irrécupérables et que l’on va tôt ou tard abandonner à leur sort. Ces jugements dépréciatifs, dévalorisants, stigmatisants - souvent véritable « blâme de la victime » - cet éventuel désengagement des pouvoirs publics, des services, constituent des risques réels. Les responsables ne doivent à aucun prix prendre prétexte de la résilience pour se désengager de leurs responsabilités. Bien au contraire, reconnaissant les ressources individuelles et collectives, ils doivent orienter leurs programmes et leurs activités en faveur des enfants, des familles et des groupes en difficulté pour aider à l’émergence et à la mise en œuvre de leurs compétences.

La résilience se substitue à la fatalité.
Au total, le concept de résilience a pu apporter un souffle d’air frais dans l’univers médico-psycho-social et psychiatrique trop longtemps soumis à une véritable dictature du concept de vulnérabilité de plus en plus dévoyé de sa fonction préventive pour en arriver à devenir un facteur iatrogène d’exclusion. En effet, oubliant complètement la nature probabiliste de ce concept, les travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres confondent vulnérabilité et fatalité et voient un future délinquant, un parent maltraitant, un névrosé, un assisté éternel dans chaque enfant à risque. Outre l’effet pathogène du mauvais pronostic auto-réalisé par le fait même du regard délétère d’un tiers représentant la Loi et la Société, ce mésusage entraîne des mesures « préventives » (séparation, contrôle suspicieux) qui font plus de mal que de bien en dévalorisant l’entourage présumé nocif et en démolissant le peu d’estime de soi du sujet protégé. Or le bon usage de la notion de résilience nous invite à faire confiance, à ne jamais baisser les bras même devant un spectacle affligeant et à ne pas condamner (même dans nos têtes) irréversiblement et définitivement la victime « vulnérable ». Cette modification de l’attitude mentale doit aller de paire avec une "pratique qui cherchera ce qui « reste de bon, de sain, de dynamique », tant chez le sujet que dans son entourage. On développera, comme dans certaines rééducations des handicapés, des stratégies visant plus à développer le respect de soi-même et les tendances dynamiques qu’à supprimer les symptômes gênants, fussent-ils socialement déplaisants. Et enfin on recherchera activement des tuteurs de résilience (Cyrulnik). Si l’on n’en trouVe pas dans l’entourage, on en cherchera chez l’un de nous qui deviendra alors tout autre chose que le « référent » actuel trop souvent perçu mme un bureaucrate au service de l’administration.

LA RÉSILIENCE -
adsp (actualité et dossier en santé publique) n° 31, juin 2000, p. 60-62. (La Documentation française). - Word - 38.5 ko
LA RESILIENCE -
Actualité et dossier en santé publique n° 31 - PDF - 132.6 ko


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